C'était à la pharmacie, une dame était tout de rouge vêtue... Le petit garçon qu'il est a immédiatement pensé au Père Noël. Elle lui a tapé dans l'oeil en quelque sorte. Il lui a souri, lui a tendu la main. Elle lui a répondu : "Que tu es mignon, tu es bien beau!". Il n'en fallait pas plus. Il lui a pris la main, est passé à côté de moi, m'a fait signe "au revoir" avec sa petite main potelée, et est parti. J'ai juste eu le temps de dire : "Mais tu rigoles ou quoi?!" avant qu'il ne passe la porte coulissante automatisée avec la dame aux cheveux grisonnants qui, ma foi, devait se sentir moins seule.
C'était au coin de la maison. Il titubait, son corps sentant l'alcool à des kilomètres, et a dit, d'une voix venue d'ailleurs : "Oh, un petit garçon! Qu'il est joliiiiiii..." Il n'en fallait pas plus. Bloqué dans sa poussette, mon fils m'a regardée puis fait comprendre, à force de chouiner et de taper des pieds, qu'il voulait aller par terre, suivre ce gentil monsieur pas net... C'est alors que je lui ai dit : "Non, on ne va pas avec des inconnus, c'est dangereux. Tu restes avec moi car je suis ta maman. Et on se promène ensemble."
C'était au parc, il faisait beau. Nous avons marché longtemps ce jour-là, côte à côte, poussant la poussette où Paco dit "Coco" dormait. D'autres gens avaient eu la même idée. Forcément, quand le soleil pointe le bout de son nez, tout le monde sort, se retrouvant entre amis, se baladant en couple. Ils lui ont dit : "Ooooh, tu marches bien. Tu aides ta maman?! Tu promènes ton joli doudou?... Oooh, oui, tu viens nous voir, tu n'es pas sauvage..." Il savait qu'il avait gagné. Ils nous ont dit "au revoir", continuant leur chemin. Il est revenu vers moi mais cela n'avait pas suffi. Il leur a couru après, cherchant leur contact, à nouveau un sourire. Ils se sont retournés, heureux de ce petit garçon qui venait les voir, cherchait leur contact, voulait aller dans leurs bras. Je lui ai dit: "Non, tu restes avec moi. Je suis ta maman et tu sais bien qu'on ne suit pas des inconnus, c'est dangereux."
C'était au square, un lundi après-midi, sous le soleil d'hiver. Il faisait doux. On se serait cru au printemps. Des enfants, il en venait de partout, ça courait dans les tous les sens. L'heure était joyeuse, entre les jeux et le goûter. Puis il y avait Antoine, deux ans dans un mois, gardé par deux mamies très poules, visiblement pas au courant de ce que peut faire un petit garçon de presque deux ans. Il lui a souri, attirant son regard vers lui. Il lui a montré comme il savait bien descendre le toboggan, comme un champion. Il pouvait être fier de lui. Sa maman aussi était fière de lui : je l'ai applaudi, je lui ai montré ma fierté, l'ai félicité en lui répétant qu'il était vraiment trop fort, et en le pensant. Mais ce n'est pas moi qu'il voulait séduire, pas moi, non. Ce qu'il voulait, c'était cette dame, là... l'une des mamies d'Antoine. C'est alors qu'il s'est dirigé vers elle en courant puis a serré ses jambes fort dans ses bras. J'ai juste eu le temps de dire : "Non, tu ne fais pas de câlins aux inconnus, c'est interdit, c'est dangereux." Il ne m'a pas écoutée. Il a fait son petit dur puis a continué son petit bonhomme de chemin, entre escalade et glissades.
C'était à la bibliothèque, section jeunesse. Malgré les consignes, il a couru partout, a touché à tous les livres, ne s'intéressant à aucun d'entre eux finalement. Il s'est mis debout sur les petits fauteuils, s'est pris les pieds dans un tapis... est allée voir A., qui s'occupe de l'animation de cette section. A. est très professionnelle. Elle ne prend pas les enfants sur ses genoux. La distance s'impose d'elle-même. Mais voilà... pas intéressant, malgré le fait qu'elle lui lise une histoire. Il fallait séduire. C'est alors qu'une maman est arrivée, croisée quelque part un jour, mais où? Ses deux petites filles ont regardé les livres, la maman leur en a lues, elles ont fait leur choix ensemble. Il fallait séduire à tout prix. Il est allé la voir. Il lui a souri. Mais cela n'a pas pris, pas plus que ça... Elle voulait qu'il aille voir sa maman, mais cela ne faisait pas partie de ses projets. Il a tourné en rond, malgré mes appels pour l'attirer à lui. Il a pris un livre, lui a collé dans les mains. Il s'est blotti dans ses bras, a formé un collier autour de son cou. J'ai entendu : "Oh, tu me fais un câlin, tu es trop gentil. C'est adorable!" J'ai à peine eu le temps de me retourner et de dire : "Non, tu ne fais pas de câlins aux inconnus. Viens me voir, s'il te plaît, mon coeur." La maman m'a lancé un regard noir, je suis passée pour une sans coeur probablement. Elle qui trouvait ça "trop mignon", "adorable", ce petit garçon de deux ans qui vient lui faire un câlin. J'ai répété: "Non. Viens ici s'il te plaît." Quand il est venu vers moi, je l'ai pris à part, yeux dans les yeux, je lui ai expliqué que cela ne se faisait pas. J'ai juste eu le temps de dire cela, il s'est dérobé et est parti en courant...
Cela n'a pas eu d'effet et n'en aura pas la prochaine fois... Un autre jour d'un autre mois peut-être. Il faut du temps, je t'en laisserai, mon fils.